Le mode OLIVIA

Communications HF en conditions difficiles

Imaginez un mode numérique capable de faire passer vos messages même quand le S-mètre est à zéro, quand le bruit électrique submerge votre bande, quand le fading transforme les autres signaux en bouillie illisible. Ce mode existe : c’est Olivia, développé au début des années 2000 par le radioamateur polonais Pawel Jalocha, SP9VRC. Sa philosophie est simple et radicale : la robustesse absolue avant tout, quitte à sacrifier la vitesse.

Signal Olivia 8/500 sur waterfall

14.072.500 kHz 14.072.000 kHz ← 500 Hz → 8 tons simultanés sur 500 Hz

Comparaison de la largeur de bande occupée

0 Hz 500 Hz 1000 Hz 1500 Hz PSK31 31 Hz FT8 50 Hz Olivia 8/250 250 Hz Olivia 8/500 500 Hz Occupation spectrale comparée Plus la bande est large, plus le débit potentiel est élevé

Performance : Robustesse vs Vitesse

Vitesse → Robustesse ↑ RTTY PSK31 FT8 OLIVIA Zone impossible (rapide ET robuste) Le compromis vitesse/robustesse On ne peut pas être à la fois très rapide et ultra-robuste

Correction d’erreurs FEC en action

Message transmis avec bruit Message émis : 8 bits données + 4 bits FEC Transmission + bruit/QRM Message reçu (avec erreurs) : 3 bits corrompus (rouge) FEC corrige les erreurs ! Message décodé (100% correct) : ✓ Aucune perte d’information

Processus de synchronisation Olivia

1 Détection du signal Analyse du waterfall ⏱ ~0.5 sec 2 Synchro fréquence Calage sur les 8 tons ⏱ ~1 sec 3 Synchro temporelle Alignement des symboles ⏱ ~2 sec 4 Décodage stable Texte affiché en continu ✓ QSO établi Temps total de synchronisation : 3 à 5 secondes Du signal brut au texte décodé Une fois synchronisé, le décodage reste stable même si le signal faiblit

Le principe technique

Olivia utilise une modulation MFSK (Multi-Frequency Shift Keying), ce qui signifie qu’au lieu d’envoyer l’information sur une seule porteuse, le signal est réparti sur plusieurs tons simultanés. Chaque ton transporte une partie du message, comme un orchestre où chaque musicien joue sa partition.

La vraie magie d’Olivia réside dans sa correction d’erreurs (FEC – Forward Error Correction) extrêmement puissante. Même si une partie significative du signal est perdue ou corrompue par le bruit, le décodeur peut reconstruire le texte original. C’est comme si vous receviez une lettre dont la moitié des mots sont effacés, mais que vous pouviez quand même lire l’intégralité du message grâce au contexte.

En pratique : Olivia peut décoder des signaux jusqu’à -10 à -15 dB sous le niveau du bruit. Autrement dit, le signal peut être 10 à 30 fois plus faible que le bruit ambiant et rester parfaitement lisible.

Comprendre les formats Olivia

Chaque variante d’Olivia est désignée par deux chiffres séparés par un slash, par exemple 8/500 ou 16/1000. Cette notation peut sembler cryptique, mais elle est en réalité très logique.

Format général : Nombre de tons / Largeur de bande en Hz

Par exemple, 8/500 signifie :

  • 8 tons simultanés pour transporter l’information
  • 500 Hz de largeur de bande occupée sur le spectre

Les variantes les plus utilisées

Format Caractéristiques Usage typique
8/250 Très étroit, ultra-robuste, très lent Conditions extrêmes, QRP
8/500 Le meilleur compromis Standard, le plus utilisé
16/500 Plus rapide, moins robuste Bonnes conditions HF
32/1000 Rapide mais exigeant Signal fort et stable

Règle générale : Plus vous augmentez le nombre de tons et la largeur de bande, plus le mode devient rapide, mais moins il sera robuste face au bruit et aux perturbations. C’est un arbitrage classique en transmission numérique.

Points forts et limites

✅ Les atouts majeurs d’Olivia

  • Robustesse exceptionnelle : décodage fiable avec des signaux très faibles, bien en dessous du niveau de bruit
  • Résistance au QRM et au QRN : les interférences et le bruit atmosphérique perturbent très peu la réception
  • Tolérance au fading : les variations rapides de propagation n’empêchent pas le décodage
  • Souplesse de fréquence : pas besoin d’être exactement calé, Olivia tolère les petits décalages
  • Idéal pour le DX difficile : trafic longue distance en mauvaises conditions, stations QRP, bandes hautes perturbées

⚠️ Les contraintes à connaître

  • Débit très lent : environ 15 à 30 caractères par minute selon la variante, ce n’est pas adapté aux gros volumes de texte
  • Patience requise : il faut accepter le rythme lent des échanges, pas de QSO rapide
  • Spectre plus large : occupe plus de bande passante que PSK31 ou même FT8
  • Inadapté aux contests : la vitesse limitée le rend peu pratique pour les concours

Fréquences et bandes d’activité

Olivia est principalement utilisé sur les bandes HF. Voici les fréquences où vous avez le plus de chances de trouver de l’activité :

Bande Fréquence typique Observations
80 mètres ≈ 3.580 MHz Surtout en soirée, QRN élevé
40 mètres ≈ 7.040 MHz Bande active jour et nuit
20 mètres ≈ 14.072 MHz Le meilleur pour le DX
15 mètres ≈ 21.072 MHz En période de forte activité solaire
10 mètres ≈ 28.072 MHz Ouvertures sporadiques

Note pratique : Ces fréquences sont indicatives. Sur le terrain, on s’accorde souvent « à l’oreille » en regardant le waterfall. Heureusement, Olivia tolère très bien les petits décalages de fréquence, ce qui facilite les premiers contacts.

Logiciels et équipement

La mise en œuvre d’Olivia est simple et ne nécessite pas d’équipement particulier. Un PC ordinaire avec une interface audio (ou une liaison USB directe sur les transceivers modernes) suffit largement.

Logiciels compatibles

  • FLDIGI — Le plus populaire, gratuit et multiplateforme (Linux, Windows, macOS)
  • MultiPSK — Polyvalent, supporte de nombreux modes
  • DM780 (Ham Radio Deluxe) — Solution complète mais payante

Configuration minimale : PC + interface audio + transceiver HF, c’est tout ! La plupart des OM ont déjà ce qu’il faut pour essayer Olivia dès ce soir.

Olivia face aux autres modes numériques

Pour bien comprendre la place d’Olivia, comparons-le à d’autres modes numériques populaires :

Mode Robustesse Vitesse Usage principal
Olivia ★★★★★ Trafic en conditions difficiles
PSK31 ★★ ★★★ QSO rapides et bavardages
FT8 ★★★★ ★★★★ DX automatisé, échanges codifiés
RTTY ★★ Contests traditionnels

Remarque importante : FT8 et Olivia ne sont pas vraiment comparables directement. FT8 excelle dans les QSO structurés et automatisés (échange de rapport, locator, 73), tandis qu’Olivia permet de vraies conversations libres en texte. Ce sont deux outils différents pour deux besoins différents.

Cas d’usage typique

Situation classique : Dimanche soir sur 40 mètres. Les conditions sont catastrophiques. Le S-mètre ne bouge pas, coincé à S0 ou S1. Le bruit électrique et les orages lointains créent un vacarme permanent. Vous scannez la bande avec FT8 : rien ne décode, tout est noyé.

Vous basculez sur Olivia 8/500 et là, miracle : un signal apparaît dans le waterfall, faible mais structuré. Le texte commence à défiler, parfaitement lisible : « CQ CQ de DL3XYZ en JO62… »

Résultat : Vous venez d’établir un QSO que personne d’autre sur la bande n’aurait pu faire. C’est exactement le mode du « dernier recours », celui qui fonctionne quand tous les autres ont abandonné.

📻 Témoignage personnel (F4HXN)

Il m’arrive régulièrement de faire quelques contacts en Olivia, et j’utilise pour cela Fldigi. L’expérience la plus troublante avec ce mode, c’est que certaines fois, je ne perçois absolument aucun signal — ni audio à l’oreille, ni trace visible sur le waterfall. Le spectre semble complètement vide, noyé dans le bruit de fond.

Et pourtant, par miracle, la communication s’établit ! Le texte commence à apparaître sur l’écran, caractère après caractère, parfaitement décodé. Le correspondant est là, quelque part à -15 dB sous le bruit, totalement invisible et inaudible… mais Olivia le trouve quand même.

C’est ce genre de situation qui fait toute la magie d’Olivia : décoder l’invisible.

En résumé

Olivia n’est pas le mode le plus rapide

Olivia n’est pas le mode le plus moderne

Mais Olivia fonctionne quand tout le reste échoue

C’est le mode idéal pour les radioamateurs patients, ceux qui préfèrent la qualité à la quantité, qui apprécient l’art de faire passer un message dans les pires conditions. Si vous aimez relever des défis et que les propagations difficiles ne vous font pas peur, Olivia est fait pour vous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *