The Buzzer » (4625 kHz)


Depuis plus de quarante ans, une étrange fréquence fait vibrer les ondes courtes : 4625 kHz.
C’est là que résonne, inlassablement, un signal monotone que les amateurs du monde entier ont baptisé « The Buzzer ».
Ce bourdonnement régulier, à peine entrecoupé de quelques voix russes, intrigue, captive et inspire les écouteurs comme les opérateurs depuis des décennies.

On pense souvent que ces stations de nombres – où une voix lit des suites de chiffres, de lettres ou de mots codés – appartiennent à un autre temps.
Pourtant, elles émettent encore aujourd’hui, dans un monde où la cryptographie et Internet dominent.
Ce paradoxe est justement ce qui les rend fascinantes : la simplicité d’une onde porteuse, capable de transmettre un message secret à travers la planète, sans qu’aucune trace numérique ne subsiste.

Une énigme persistante sur 4625 kHz


Apparue dans les années 1980, UVB-76 – le véritable indicatif de The Buzzer – diffuse un signal constant, un « buzz » d’environ une fraction de seconde, répété 25 fois par minute.
De temps à autre, le bourdonnement cesse pour laisser place à un message vocal, en russe, prononcé par une voix masculine : un indicatif, une série de mots, et parfois une consigne codée.
Le tout, suivi d’un retour immédiat du bourdonnement.
Rien n’est expliqué, jamais.

Les spéculations vont bon train.
Certains évoquent un réseau militaire russe destiné à maintenir un canal de communication prêt à tout moment.
D’autres pensent à un simple marqueur de fréquence pour surveiller la propagation ionosphérique ou garder la fréquence « chaude ».
D’autres encore y voient un système d’alerte nucléaire de type « Dead Hand », conçu pour continuer à transmettre même après un désastre.

L’expérience d’un écouteur passionné


J’ai découvert The Buzzer un soir d’hiver, sur mon récepteur un FRG 7 (c’est pas jeune !) à une simple antenne filaire.
Le bruit était à la fois agaçant et hypnotique : ce bzz… bzz… répétitif, venu d’un autre monde.
Je me souviens avoir vérifié plusieurs fois ma configuration, persuadé d’un parasitage local, avant de réaliser que j’écoutais bien la fameuse fréquence russe.
C’était comme tendre l’oreille vers un secret qui ne voulait pas être entendu.

Ce qui m’a fasciné, c’est la stabilité du signal.
Même lorsque les bandes s’effondrent, le Buzzer reste là, fidèle, presque vivant.
Avec un simple WebSDR de Kiwisdr.com, n’importe qui peut aujourd’hui écouter cette fréquence ; et parfois, si la propagation s’y prête, on distingue même des conversations en fond ou des bruits d’ambiance de la pièce où se trouve l’émetteur.
C’est ce genre de petits détails qui rendent la radio si humaine, même au cœur du mystère.

Observer, documenter, comprendre


Pour les passionnés de radio, suivre The Buzzer, c’est participer à une enquête mondiale.
Certains amateurs notent chaque changement dans leur journal d’écoute ; d’autres réalisent des enregistrements audio ou des captures spectrales pour identifier les modulations et les variations de ton.
Grâce aux KiwiSDR équipés de TDoA (Time Difference of Arrival), il est même possible d’estimer la position géographique de l’émetteur – longtemps situé près de Saint-Pétersbourg, puis déplacé plus au sud.

C’est une forme moderne de radio-espionnage amateur, mais bienveillant : pas pour percer un secret d’État, mais pour comprendre la magie des ondes.
Écouter The Buzzer, c’est observer une balise du passé survivre dans le présent, un témoin sonore d’une époque où la radio était synonyme de pouvoir et de mystère.

Conclusion personnelle


Pour moi, The Buzzer, ce n’est pas juste une bizarrerie technique. C’est un petit bout de mystère qui rappelle ce qu’a toujours été la radio : une ouverture sur l’inconnu. Aujourd’hui, on parle de SDR, de QO-100, de DMR… mais cette simple porteuse réunit encore, dans le silence et la curiosité, des milliers d’oreilles anonymes à travers le monde. Au fond, c’est peut-être ça, être radioamateur : écouter, observer, et garder intacte cette question — « qui parle ? ».